
Quelques paramètres généraux
Le principe de compétition alimentaire: On en parle malheureusement peu dans les documentations classiques mais tous les poissons ne sont pas égaux lorsque la nourriture débarque dans l’aquarium ! Les plus caractériels, rapides, massifs ou réactifs ont souvent l’apanage des plus beaux morceaux tandis que les timides ou plus lents s’en trouvent désavantagés au risque à terme de devenir plus vulnérables… Pour y pallier je pratiquais souvent un nourrissage divisé en trois et répartis simultanément à différents endroits de l’aquarium ! Les plus voraces foncent souvent sur le premier lieu ou se dépose la nourriture et ils laissent ainsi le champ libre sur les autres fronts de nourrissages !
Le régime alimentaire originel
Même si beaucoup de poissons ont une tendance opportuniste, il y a souvent aussi des préférences alimentaires de bases qui font suite au régime naturel dans leurs biotopes d’origines. Le fait de rapprocher l’alimentation que nous distribuons de celle-ci va irrémédiablement fortifier les poissons. À titre d’exemple on démontre souvent en biologie les différences qu’il y a dans le système intestinal entre les animaux à régime herbivores (plus long pour accentuer le travail des bactéries) et les animaux carnivores (dont les acides stomacaux sont généralement plus forts et diminue du coup le travail intestinal). Néanmoins il faut faire attention à nuancer les données car rien n’est strict dans ces lois biologiques ! À titre d’exemple un poisson qui va consommer du zooplancton obtiendra également une part végétale, de par la réserve contenue dans l’estomac des animaux ingérés ou de part quelques morceaux de végétations arrachés lors de ces parties de chasses ! À l’inverse un algivore, obtiendra malgré tout une petit part animale dans son régime de par les malheureux organismes qui auront eu le malheur de se trouver au mauvais endroit et au mauvais moment !

Le filtre qui trompe
Le filtre fait partie du fonctionnement essentiel de la plupart de nos aquariums mais lors du nourrissage celui-ci peut nous induire en erreur en absorbant une partie de la nourriture distribuée. On imagine alors avoir trouvé le volume adéquat à distribuer alors qu’en réalité une partie de celui-ci se retrouve dans le matériel de filtration et fera augmenter les sels de nitrates et phosphates qui auront tendance à favoriser les algues et à atténuer la santé des pensionnaires. Une observation rigoureuse lors du nourrissage permettra entre autres d’estimer si le filtre absorbe un excédent de nourriture. En cas de doute logistique, n’hésitez pas à interrompre son fonctionnement le temps du nourrissage (en n’oubliant pas de le réenclencher par après) ou à distribuer la nourriture à l’extrémité opposée de celui-ci.
La fréquence de nourrissage
On parle souvent de la fréquence de nourrissage en ayant des points de vue différents selon les sources et les expériences de chacun. Cependant une fréquence trop faible aura tendance à diminuer le potentiel santé des poissons tandis qu’une fréquence trop régulière favorisera l’obésité et la pollution aquatique. Pour tenter d’être au plus juste et efficace en même temps, je me rappelle régulièrement que cette question est multifactorielle, prenant en compte de manière non exhaustive quelques paramètres que je vais faire suivre:
L’origine des poissons
Dans les élevages de masses comme en Israël, il existe souvent un préposé au nourrissage qui passe ses journées à distribuer la nourriture aux différents pensionnaires afin de booster la croissance, les couleurs et la taille des individus qui seront commercialisés. Autant dire que le choc est parfois rude quand ceux-ci se retrouvent dans un magasin ou chez le particulier qui aura la main nettement plus légère. Quand j’avais la responsabilité d’animaux en provenance de ce type d’élevage, je prenais souvent la peine de les habituer progressivement à un nourrissage moindre avant de les distribuer. À l’inverse par contre, plusieurs grossistes ont tendance à stocker du poisson qui sera alimenté selon des consignes vétérinaires générales et préétablies dans la législation du bien-être animale sans bénéficier d’une évaluation de la situation propre à chaque lot. Beaucoup de ces animaux sont donc sous-nourris et affaibli quand ils arrivent dans les commerces et ils nécessitent parfois de se refaire progressivement une capacité à réenclencher leur système digestif (à l’instar, par exemple des poissons en bassin extérieur qui recommence à se nourrir au printemps).

Question de métabolisme
À l’instar du régime alimentaire, la question des habitudes de nourrissage dans le milieu naturel est importante pour qui veut parfaire ses habitudes. Certains poissons dynamiques et perpétuellement en train de fouiner ont un métabolisme habitué à de petites rations régulières, tandis que d’autres généralement plus calmes vont naturellement être mieux portants en ayant des rations plus espacées. Il est à noter aussi que l’abondance fluctue dans la nature, selon les saisons ou les divers aléas du biotope. Ainsi des périodes de jeûnes sont souvent recommandées afin d’éviter les excès.
La température et le stade de croissance
Les poissons sont des animaux à sang froid, ils nécessitent donc proportionnellement moins de matière qu’un mammifère ou un oiseau. Cependant plus la température de son biotope va s’élever et plus le métabolisme va s’accélérer et donc nécessiter une alimentation soutenue. Il en va de même pour l’alevin qui aura tendance à réclamer d’avantage de nutriments qu’un individu ayant déjà atteint sa pleine maturité.
Le type de nourriture
D’une manière générale, les différents aliments proposés n’auront pas le même besoin énergétique pour se faire digérer. Des aliments tels que les vers de vases ou les artémias par exemple possèdent une carapace en chitine qui occupera plus longtemps la place dans l’estomac que des paillettes. Quant aux granulés ils ont souvent tendance à gonfler dans l’estomac une fois qu’ils sont ingérés et ainsi à s’alourdir dans le ventre des poissons.
Le dynamisme spécifique
Plus un animal bouge et plus ses besoins énergétiques sont élevés ! Les poissons rhéophiles luttant contre le courant ont une tendance à avoir la grignote régulière tandis que des poissons évoluant dans des environnements clôt vont supporter des phases de jeunes plus longues.

Différents types de nourritures
Type | Avantages | Inconvénients |
Pailettes | Recette générale pouvant convenir à un grand nombre de poissons/ facilité d’absorption pour beaucoup de formats de bouches/ Large choix de recettes | Faibles apports énergétiques/qualités variables |
Granulés | Similaire aux paillettes mais avec un moindre indice de facilité de consommation chez certaines espèces | Les granulées ne sont pas toujours faciles à absorber pour certaines espèces / Qualitée variable / gonflent dans l’estomac et peuvent entraîner des problèmes intestinaux |
Tablettes / Pastilles de fond | Souvent destinées aux poissons de type silures et loches, elles permettent de corriger la concurrence alimentaire en leur faveur | Dosage moins précis / Soumise à l’opportunisme des autres espèces qui peuvent monopoliser la nourriture / risque de pollution par infiltration dans le sol. |
Congelés | Large choix / meilleure conservation de certaines vitamines / Favorise l’attraction grâce à l’odorat | Nécéssite un temps de préparation pour filtrer la nourriture fondue afin de limiter la pollution / ou de brûler les lèvres des poissons par contact au froid. Risque de propagation de certaines maladies |
Nourritures vivantes | Nourriture la plus proche de l’alimentation naturelle/ Stimulante et attractive (idéale pour des poissons sauvages en cours d’acclimatation) | Variable selon le type. Risque de maladie / nécessite une procédure d’élevage/Mauvaise conservation / Prix onéreux |
Lyophilisés | Permet une meilleure conservation de certains nutriments grâce au séchage à froid | Difficultées d’absorption, gonfle dans l’estomac / Pas toujours très digeste/ mauvaise proportion dans les nutriments |
Problèmes alimentaires
L’exemple des poissons rouges
L’importance de bien choisir le type d’alimentation correspondant aux poissons qu’on élève se démontre avec un exemple bien connu qui est celui du poisson rouge (Carasius auratus). En effet, il n’est pas rare de constater un poisson qui va avoir du mal à s’équilibrer dans sa nage, voir qui va carrément flotter ventre en l’air en s’épuisant pour tenter de se redresser. Même si certaines formes sont prédisposées à des malformations internes liées à la consanguinité mise en place pour sélectionner différentes caractéristiques particulières, il est à noter que le problème peut être évité ou tout du moins significativement diminué en veillant à distribuer une nourriture ayant une bonne base végétale. En effet, les carassins sauvages sont essentiellement des brouteurs et ils ont donc un système intestinal prévu pour favoriser le travail de bactéries qui vont traiter les nutriments afin d’en tirer les bénéfices. Quand la proportion de protéines animale est trop importante, l’estomac des carassins ne digère pas correctement l’entièreté des protéines et le travail des bactéries intestinales produits alors des gaz et toxines qui vont entre autres changé la densité générale du corps du poisson. Le rendant ainsi plus léger que l’eau dans laquelle il évolue.
Le cœur de bœuf
Un problème similaire existe avec le cœur de bœuf qui est souvent distribué aux gros poissons et aux discus. Certes, cet aliment très riche en lipides et en protéine à l’art de faire grossir le poisson mais la protéine de bœuf ne faisant pas partie du régime originel de ces poissons, beaucoup développent des dégénérescences du foie et une irritation du système intestinal (selles blanchâtres etc.). En petite fréquence ces protéines se contentent de traverser le métabolisme du poisson, comme le fait la cellulose contenue dans les végétaux que nous ingérons et qui n’est pas traité par notre organisme. Il est néanmoins à noter que les éleveurs allemands de Stendker dont la réputation n’est plus à faire, ont déjà changé leur recette de base en favorisant le cœur de dinde à la place de celui du bœuf.

Tubifex et transmission parasitaires
Longtemps considérés comme faisant partie des classiques de la nourriture vivante, les tubifex sont des petits vers à la biologie admirable, capable de résister à la sécheresse et à des taux de pollutions records ! Cette tolérance aux polluants fait qu’ils sont souvent vecteur de maladies (staphylocoques, streptocoques, mycobacteriuym, etc.) ou transporteur de pollutions néfastes (métaux lourds,etc.). De plus leur apport nutritionnel est généralement assez bas et ils sont nettement moins attractifs que les vers de vase pour la plupart des poissons.
Tolérance alimentaire
La tolérance aux protéines (ou autres composantes nutritive) est d’une manière générale un problème de santé relatif à tous les animaux (dont l’homme). Chez les poissons, on retrouve des mécanismes de fragilisation face à plusieurs habitudes communes :
- Les Cichlidés du Tanganyka supportent mal les protéines animales ayant d’autres origines que celles de poissons ou de crustacées…
- Chez certaines loches, une proportion trop importante de nourriture sèches à base de céréales tend à diminuer la capacité d’absorption de nutriments nécessaires au métabolisme.
- Bien que n’étant pas un poisson l’axolotl sera sensible aux aliments d’origine marine. En effet, l’iode potentiellement contenu dans ceux-ci intervient sur la thyroïde et risque de créer un bouleversement hormonal.
- Excès alimentaire : Hormis les risques de pollution, la distribution excessive de nourriture présente également un impact lourd sur le métabolisme. En dissection, cela s’observe par des foies jaunâtres (saturation en bilirubine ) et tissus graisseux, entraînant ainsi un stockage des toxines et une fragilisation immunitaire ainsi que des déficiences cardiologiques et neurologiques.
- Aflatoxine et conservation : Un autre fait important à prendre en compte est là bon conservation des aliments (températures, exposition lumineuse, hygrométrie, etc.) . En effet à moyen terme le travail de bactéries entraîne la décomposition des aliments et la création de substance toxiques tels que l’ammoniac ou l’aflatoxine qui peuvent entraîner des tumeurs, dérèglements neurologiques, perturbation de croissance, inflammations, etc.
Astuces alimentaires
- Œufs de homard : Injustement méconnu, cet aliment mérite pourtant une attention particulière due à de nombreux avantages. Très riches en nutriments (magnésium, protéines, lipides, omega-3, fer, etc.) et en pigments (carotènes et asthaxanthine). Il est de petite taille et convient très bien aux poissons de petits formats et aux alevins. Très odorant, il est très attractif pour de nombreux microprédateur et de plus il favorise la dynamique ovarienne de nombreuses espèces.

- Paprika / acide folique : Le Paprika est une épice bien connue qui peut être incorporée en petite quantité dans les recettes « maison « utilisé pour le nourrissage des poissons d’ornement. Il apporte une large gamme de nutriments ainsi que des composés stabilisant la neurobiologie et le vieillissement cellulaire. Il est intéressant à noter que l’absorption des caroténoïdes issus du paprika s’améliore avec l’ajout d’acide folique (demandé à un pharmacien) à l’équivalent d’une pointe de couteau pour une cuillère à café de paprika doux incorporé dans un kg de nourriture.
- Artémias / en cas de traitements : Les artémias et ver de vase sont des animaux qui filtrent les microparticules dans l’eau pour se nourrir et de ce fait, ils peuvent être utiles pour le traitement de certaines pathologies en les faisant baigner 24h au préalable dans une eau à laquelle on incorporera du jus d’ail qui est un excellent vermifuge, antibactérien et antiviral. Pour réaliser le jus d’ail, vous pouvez mixer une gousse dans un fond d’eau, que vous filtrerez ensuite afin d’en retenir l’eau saturée en aioline (principe actif). Vous pouvez alors adjoindre 50 ml de jus dans un litre d’eau avec vos artémias pour que ceux-ci absorbent l’ail dans leurs tissus. Il est également possible de faire gonfler des granulés directement dans le jus d’ail avant de les distribuer.
- spiruline / chlorella : Ces deux algues sont composées à près de 60% de protéines végétales! Et une haute proportion en acide gras et minéraux rares ainsi qu’en fer. De plus il est maintenant certifié que grâce à un enzyme de croissance particulière, elles ont tendance à maintenir l’intégrité cellulaire.
Insectes
La farine d’insecte est de plus en plus incorporée dans l’alimentation des poissons d’aquarium (sera Insekt/ Fluval bug bites, etc.) et c’est une bonne chose de par la pollution moindre que produisent les élevages d’insectes ou de par le fait que cela puisse correspondre d’avantage à la base alimentaire de nombreuses espèces. Il est également de plus en plus facile de se procurer des insectes via les animaleries qui proposent un rayon terrariophile (microgrillons, drosophiles, collemboles, etc.). Personnellement, j’ai fait plusieurs expériences de nourrissage de divers poissons (polyptères, channa, Scalaires, rasbora trilineata, pantodon, etc.) avec des insectes en notant une plus-value dans le comportement, le tonus et/ou les coloris.
Poissons d’origines sauvages ou stressés
Le stress ou les problèmes d’acclimatations créé des troubles de l’appétit. Si malgré que toutes les conditions environnementales favorables aient été mises en place pour garantir le sentiment de sécurité au poisson, il peut alors être utile de tenter quelques petites astuces :
- L’ail : Comme mentionné plus haut, l’ail est appétant pour plusieurs espèces du fait de son odeur.

- Artémias et vers de vases vivants sont attractifs de part leurs mouvements et leurs odeurs.
- Le Sel d’Epsom est un composé de Magnésium que l’on peut adjoindre dans l’eau à raison de 1 gr par dix litres. Il possède des vertus apaisantes pour le système nerveux et favorise le transit, ce qui peut amener à creuser l’appétit des poissons.
- L’adjonction d’argile en poudre peut recréer des conditions de turbidité qui stimuleront le comportement de prédation. Il est alors recommandé de travailler avec une nourriture vivante pour créer une synergie de stimulation. De plus l’argile aura tendance à capter certains sels organiques et à apporter divers nutriments aux plantes.
- Certains parfums pour amorces en magasin de pêches peuvent également augmenter l’attrait olfactif de la nourriture. Selon les sources certains parfums tels que le chènevis semblent susciter un grand intérêt chez beaucoup d’espèces !
Anatomie buccale
L’anatomie buccale des poissons nous donnera également un indice sur les prédispositions alimentaires. Exemples avec l’image ci-dessous :

1) Bouche centrale et tête effilée, mâchoire forte et propice à la détente : c’est le profil idéal d’un chasseur (exemple le brochet européen Esox Lucius)
2) Bouche centrale, petite mâchoire en pointe : profil typique d’un microprédateur (Scalaire)
3) Bouche en surface : Il s’agit bien souvent d’insectivores (Pantodon bucholzii)
4) Bouche orientée vers le bas : Il s’agit bien souvent de détritivores ou de microprédateurs spécialisés dans les vers et larves aquatiques.
5) Bouchze centrale, petite mâchoire forte et lèvres peu charnues: C’est un poisson qui va écraser sa nourriture sur son palais et qui peut souvent ingérer sa nourriture en gros morceaux (Polyptère)
6) Bouche centrale et lèvres charnues : Il s’agit souvent d’herbivores qui vont utiliser les muscles labiaux pour arracher ou travailler les algues et feuillages. (Leporinus fasciatus cf photo ci-dessous)
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