Fascinant est un terme qui convient à ce groupe de plantes singulières. Les plantes carnivores sont en effet une prouesse d’adaptation de la nature et elles regroupent toute une communauté de fan de leurs cultures, mais entre les contradictions sur internet et les conseils douteux de certaines jardineries, il n’est pas toujours évident de s’y retrouver.
Un peu d’histoire
Les plantes carnivores sont issues du groupe des angiospermes (plantes à fleurs) et les débuts de leur évolution remonteraient à 72 MA d’après certaines estimations. Néanmoins les scientifiques ne sont pas tous d’accord sur la définition de ce qu’est une plante carnivore et comme pour toutes formes de vie, les choses se sont faites par étapes.
Récemment des morceaux d’ambres datés de 35 à 47 MA ont révélé des fragments de feuilles en tentacules présentant des poils à ventouses très probablement destinés à piéger des insectes. Ces fragments sont en cours d’études par des généticiens pour corroborer les théories évolutives de cette lignée.
Actuellement une plante, considéré comme “proto-carnivore” la Roridula semble être une sorte de chaînon manquant. Faisant partie autrefois d’un groupe largement plus répandu, elle ne pousse plus que dans la région du Cap (Afrique). Cette plante fonctionne via un partenariat (symbiose) avec une punaise endémique de la région (Pameridea marlothii) en produisant un réseau de poils gluants qui piège les insectes et fournit ainsi un garde-manger intéressant pour la punaise qui a quant à elle la capacité de se déplacer et d’éviter de se faire piéger. Les excréments produits par la punaise sont alors absorbés par le feuillage des Roridula et fournissent ainsi le phosphore manquant dans le substrat naturel de la plante.
Il est probable que la Roridula soit un fossile vivant qui atteste d’une des étapes primitives des développements complexes liés aux plantes carnivores.
Au niveau des rapports avec l’homme, les plantes carnivores semblent avoir été relativement ignorées pendant longtemps. On trouve dans les archives du New York Word (un journal du 19ᵉ siècle) un article ayant fait sensation sur la découverte d’un rituel malgache mettant en scène un arbre anthropophage dont les Malgaches se protègent en le rassasiant de victimes désignées en sacrifice. La première description scientifique de valeur, revient à Charles Darwin lui-même qui leur aura dédicacé tout un ouvrage (insectivorius plant en 1875).
Plus tard le cinéma et l’imaginaire collectif feront des plantes carnivores des phénomènes horrifiques burlesques … On en retrouve dans plusieurs œuvres tel que Batman, Creep Show ou le très particulier “La petite boutique des horreurs”.
Menaces
La destruction des milieux naturels, la pollution et les arrachages par les collectionneurs peu consciencieux sont les principales raisons du déclin de plusieurs espèces.
Une multitude de variétés
Il existe plus de 700 espèces de plantes carnivores, sans compter les multiples variétés et hybrides ainsi que les nouvelles espèces qui sont encore découvertes actuellement.
On peut citer entre autres :
- Diona muscipula : La fameuse attrappe-mouche
- Sarracenia purpurea : plantes à urnes américaines
- Catopsis berteroniana : une plante de la famille de l’ananas et des Tillandsies (Broméliacées)
- Cephalotus follicularis : plantes à petites urnes originaires d’Australie
- Népenthes ampularia : plantes à urnes originaires des montagnes de l’Asie tropicale
- Drosera rotundifolia : présente en France et en Belgique (menacée).
- Darlingtonia californica : surnommée la plante-cobra en raison de l’aspect de ses urnes
- Aldrovanda vescularia : plante carnivore aquatique
- Pinguicula alpina : espèce présente dans les massifs montagneux d’Europe
Ces espèces aux origines différentes ont des besoins propres à chacune. Nous allons tenter de faire une petite synthèse pour démystifier la culture des groupes les plus communs.
Cultures des groupes courants
Attention : Dans tous les cas les plantes carnivores sont à arroser strictement à l’eau de pluie ou déminéralisée. Un PH neutre à légèrement acide et une absence de composées organiques (nitrates, phosphates, etc.)
Diona muscipula
Contrairement à la croyance populaire, cette espèce se plaira davantage en extérieur qu’en intérieur… En effet sa répartition originelle est les états de Caroline du nord et de Caroline du sud aux USA (côte est) et elle n’est donc pas tropicale.
Cela implique un rythme saisonnier particulier avec des périodes estivales humides dépassant les 30° et des hivers assez secs pouvant aller à – 10°. Ces rythmes impliquent la floraison de la plante ainsi que sa longévité. Les plantes vivent également dans des zones de tourbières de basse latitude qui les protègent des vents. Plusieurs cultivateurs vont d’ailleurs couper feuilles et racines en hiver pour ne garder que le rhizome qu’ils vont emballer dans du papier journal légèrement humide afin de recréer un substitut d’hiver. Au moment du rempotage on utilisera un substrat à base de sphaigne ou de tourbe blonde dans laquelle nous allons inclure des éléments qui vont aérer le mélange (vermiculite, perlite, écorces de pins ,sable,…) Il faut toutefois faire attention à ne pas utiliser d’éléments qui risquent de faire augmenter le PH ou qui risqueraient de minéraliser l’ensemble (l’argex ou pouzzolane sont à proscrire). Les dionées apprécient une luminosité élevée. Les dionées sont les plantes carnivores les plus populaires et elles se déclinent en différentes variétés aux physiques et couleurs parfois assez délirants (formes géantes, taille des dents variables, couleur sang,…)
Sarracenia
À l’instar des dionées, les sarracenias sont originaires d’Amérique du Nord et sont donc idéalement placés en extérieur ou en véranda froide. L’exposition et le substrat restent similaires également. Ce sont des plantes idéales pour débuter avec les carnivores. Ils apprécient un rempotage régulier ainsi que des pots spacieux.
Drosera
Le cas des Drosera est un peu plus complexe à détailler étant donné que le genre représente près de 200 espèces réparties sur les 5 continents et subissant donc des conditions naturelles variables d’une espèce à l’autre. Beaucoup d’entre elles ne se retrouvent pas dans le commerce et d’autres uniquement chez les collectionneurs spécialisés qui ont l’expérience de leurs cultures difficiles. Les espèces les plus courantes et faciles sont Drosera capensis et Drosera aliciae toutes deux originaires d’Afrique du Sud. On les maintient à température de 10-15° en hiver et 20-30 en été, une exposition ensoleillée et une diminution de l’humidité en hiver. Le substrat sera idéalement un peu plus dense que pour les deux genres précédents (60-70% de tourbe blonde en mélange homogène avec un sable non calcaire). À noter qu’il existe une forme de Drosera capensis à poils blancs dont l’allure est assez remarquable.
Nepenthes
Le nom de ce genre vient du mythe grec de l’Iliade, le nom de Népenthes est donné à une plante utilisée par le prince de Troie Paris pour faire oublier à Hélène, sa captive, la ville de Sparte dont elle est originaire. Le genre est probablement celui qui à l’histoire la plus riche au niveau des écrits, notamment par le fait que certaines espèces sont capables d’ingérer des petits vertébrés (grenouilles, rongeurs, etc.)
Le genre est très vaste et est originaire de Madagascar et d’Asie tropicale. Il en existe plus de cent espèces et de nombreux hybrides. Elles ont besoin d’une hygrométrie assez élevée, mais les cultures varient selon qu’elles proviennent de milieux denses ou ouvert, d’altitude haute ou basse, qu’elles soient épiphytes ou non. Dans tous les cas il convient de maintenir une stabilité du milieu de culture qui doit être idéalement fermé (serre ou terrarium). Cependant certains hybrides ont été développés pour rendre plus accessible leur maintien.
De manière générale elles apprécient un substrat assez léger (sphaigne (50%) avec perlite par exemple). Les espèces de basse altitude auront besoin de températures plus élevées que celle de montagnes.
Lien vers des explications plus détaillées des nepenthes