Beaucoup d’aquariophiles ont à la fois un pied dans le bocal et dans une autre passion ayant trait au vivant. D’ailleurs, de plus en plus de manifestations mélangent le monde aquario à celui de la terrario. Le paludarium en est la concrétisation.
Qu’est-ce qu’un paludarium ?
Le mot paludarium est composé de deux mots latins :
- “Paludis” qui signifie “marais”.
- “Arium” un suffixe désignant un espace fermé.
C’est ce que l’on appelait auparavant l’aqua-terrarium. Un espace qui va imiter un écosystème aquatique, mais souvent plus hétérogène que l’aquarium strict. Il permet donc de faire cohabiter une grande variabilité d’êtres vivants en tenant compte, bien sûr des notions de prédations, territorialité, compétitions alimentaires, etc. Un aquaterrarium aura donc à la fois un espace aquatique et un espace terrestre et sa gestion s’inspirera de principes issus des deux écoles de base, à savoir l’aquariophilie et la terrariophilie qui permettra de nouvelles perspectives amusantes et intéressantes.
Cet article sera d’ailleurs non exhaustif, tant les possibilités sont vastes. Je vous y exposerai quelques questions techniques et quelques coups de cœur qui, je l’espère sauront vous convaincre de continuer l’expérience de votre propre initiative.
Éclairage
La lumière devra être de qualité. Vu l’étendue possible des variétés de plantes qui s’adaptent dans ce type d’installation, il faudra garantir une qualité et une intensité qui puisse satisfaire à tout le monde. N’hésitez d’ailleurs pas lors de la création de vos décors à créer différentes zones d’expositions en jouant sur les hauteurs et les ombrages. À l’heure actuelle, je recommande particulièrement les LED qui offrent une gamme étendue en possibilité de couleurs et d’impact et une consommation moindre.
Plusieurs marques sont disponibles et il est également possible de sortir du secteur aqua-terrariophile pour trouver son matériel via les magasins et groupes de cultures intérieures. Il sera également conseillé de travailler avec deux types de lampes différentes afin d’étendre la gamme de fréquences lumineuses, et ainsi satisfaire aux besoins de toutes les plantes et également au plaisir des yeux. Pour cet aspect, n’oubliez pas de vous référer à un indice IRC.
Le travail de la lumière va certainement passer par une phase test selon les réactions observées. Celles-ci seront à mettre en relation avec les nutriments mis à disposition, le type de substrat, l’emplacement, etc. C’est pourquoi il sera conseiller dès le départ de prévoir une certaine adaptabilité à votre projet.
Quelques marques intéressantes : Sylvania / Chihiros / Terraled / Degenbao / Star-Lite.
Filtration
Par soucis pratique, il n’y aura pas vraiment d’autres options que d’utiliser un filtre extérieur. Les règles de bases restent les mêmes qu’en aquarium. Veillez cependant à accorder votre débit au(x) type(s) d’animaux présents et à la structure de vos décors (évitez par exemple de créer des zones mortes). Vous pouvez privilégier une action mécanique à votre équipement sachant que de nombreuses plantes vont apporter leur soutien du côté biologique (présence de bactéries du cycle de l’azote dans les racines, capacité d’absorption de polluants, etc.)
Les Chlorophytum et les Epiprenum proposent d’excellentes qualités intéressantes pour le traitement des polluants de l’eau.
Paludarium fermé ou ouvert ?
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Tout va dépendre de la logique que vous désirez mettre en place.
Le paludarium ouvert apporte une esthétique exubérante que les amateurs de nature sauvage pourront grandement apprécier. Cependant l’hygrométrie et le niveau d’eau seront moins stables. L’évaporation induira des changements important dans la chimie de l’eau et accentuera les risques d’eutrophisation. Les escapades seront plus évidentes également. Il faudra éviter les espèces qui demandent des environnements aux paramètres stables. Cela dit si vous êtes régulier dans vos entretiens et dans le suivi de votre installation, il n’y a rien de bien terrible à son maintien.
Le paludarium fermé offre d’autres possibilités esthétiques et une meilleure stabilité des paramètres. Cela dit, il nécessitera bien souvent une bonne ventilation afin d’éviter les formations de moisissures inesthétique et dangereuse pour les habitants. Il offrira aussi la possibilité d’augmenter la gamme d’espèces possible à maintenir.
Substrat et engrais
Vu la forte densité végétale de ce type de réalisation il est important de se concentrer sur ces deux aspects :
Le substrat
Pensez à créer un sol à la fois riche et drainant ! En effet, la consommation de nutriments sera souvent rapide et élevée et le fort taux d’éléments humides et organiques sera assaini par une bonne circulation de l’eau et de l’air ? Veuillez éviter la terre de coco, le compost ou le terreau de jardinerie qui vont augmenter la pollution à moyen terme, évitez également la perlite ou le mica qui risqueront de flotter à la surface de l’eau. Veillez également à créer une zone de fond bien drainé à l’argex qui accroîtra l’évolution de la vie bactérienne utile et le développement racinaire.
Un mélange qui s’est révélé assez efficace pour une bonne gamme de plantes aquatiques et terrestres est le suivant :
- 1 volume de terre de jardin tamisée (veillez à ce qu’elle ne soit pas polluée !)
- 2 volumes de tourbe blonde
- 1 volume de pouzzolane
- 1 volume de sable fin
- 1 apport de chaux d’algues bio ou de poudre de basalte (une cuillère à soupe pour 10 l de substrat).
La pouzzolane est un élément volcanique intéressant à plus d’un titre grâce à ses alvéoles et sa richesse en éléments minéraux.
Attention néanmoins que ce mélange ne conviendra pas à tout le monde ! Les plantes carnivores, la plupart des orchidées et de broméliacées, par exemple, n’y trouveront pas leur compte. Il sera alors nécessaire de mettre à disposition d’autres mélanges plus adaptés.
L’engrais
L’amendement et la manière dont il sera distribué sera également une clause de succès ou d’échec dans votre projet. Un bon substrat de départ sera une base de choix pour lancer celui-ci mais afin d’en assurer la pérennité, il sera important de faire une distribution de nutriments adéquats. Pour cela il existe plusieurs solutions :
- Les engrais liquides pour aquariums : Ils ont l’avantage d’être conçus pour ne pas créer de contre-indications avec la faune. De plus, chaque marque présente une gamme de produits individuels qui permettront de pouvoir apporter une réponse précise en cas de problème spécifique.
- Les engrais pour plantes d’appartements : Peuvent être dangereux en cas de maintenance avec des animaux. Ils risquent également d’apporter un surplus en nutriments organiques qui peuvent déséquilibrer l’ensemble.
- La chaux d’algue : Disponible en jardinerie, elle présente l’avantage d’être en diffusion lente et d’apporter une série de micro-éléments indispensables et parfois sous-dosés dans les engrais de base. Il vaut toutefois mieux l’utiliser en petites quantités, car elle à tendance à faire augmenter le PH.
- Le sel d’epsom : Utile pour apporter un complément de magnésium nécessaire à la photosynthèse des plantes et à la dynamique aérobie des sols (une cuillère à soupe par 100 l à raison de 1 à 2 fois tous les six mois).
- La latérite : Une argile rouge riche en fer et présentant un complexe minéral vaste, à utiliser de la même manière que la chaux d’algue.
Organismes de soutien
Voici ici quelques exemples d’animaux et de plantes qui vont aider à l’élaboration d’un biotope adapté.
Comme en aquarium les crevettes et escargots joueront un rôle d’éboueur et d’alguivores non négligeable. Leur observation est amusante et elle apportera souvent des indices sur l’état de santé général de votre milieu.
Pour la partie terrestre, nous pouvons nous orienter vers divers animaux qui offrent une biodégradation des éléments organiques : Isopodes, collemboles, crabes ou annélidées. Attention toutefois que comme les précitées ci-dessus certains de ces animaux ne déclinent pas une plante vivante de temps à autre…
Dans les plantes nous pouvons compter sur de nombreux adjuvants :
- Les Epiprenums sont des lianes avec des patterns souvent remarquables et faciles de cultures. Ils proposent également une bonne efficacité de traitement biologique grâce à leurs racines.
- Ficus pumila le figuier nain est une plante costaude et parfaite pour couvrir un espace, il offrira refuge à la microvie utile et agira comme une pompe à nitrates.
- Lysimachia nummularia aura les avantages de la précédente avec néanmoins un autre port, il existe également une forme “aurea” qui pourra apporter un mélange de nuances si toutefois on ne l’expose pas à une lumière trop soutenue (risque de retour au vert, voir la chlorose génétique).
- Ficus pumila variegata
- Mentha aquatica: Il existe des concepts de paludarium officinaux ou médicinaux dans lesquels nous pouvons cultiver certaines variétés de menthes. La menthe aquatique est très volontaire et aura une action bénéfique au niveau de l’assainissement du milieu mais il faudra la tailler régulièrement et éviter certaines cohabitations qui n’apprécieront pas le menthol qu’elle contient.
- Ceratophylum demersum est une plante à croissance rapide qui possède un anti-algue naturel dans sa sève.
- Juncus effusus spiralis,Chlorophytum comosum et Spathiphylum wallissii sont des dépolluants efficaces pour plusieurs composés chimiques toxiques (Benzène, trichloréthylène,…).
- Nomaphila corymbosa var angustifolia est une plante idéale pour créer un raccord entre l’eau et la terre car cette plante pousse aussi bien en émergée qu’en immergé. Dans la première option vous pourrez même observer quelques floraisons délicates et esthétiques. D’autres plantes peuvent avoir la même fonction (Bucephalandra,Anubias,Hemidyotis,mousse de Java,Cryptocorynes,…)
Quelques aquatiques biens adaptés :
Il sera toujours conseillé de garantir un minimum de 40 litres d’eau pour la patrie aquatique. Le type de poissons sélectionnés sera donc de préférence assez calme, de petites tailles et issu de biotopes similaires dans la nature.
Colisa labiosa et plusieurs membres de la famille des Anabantidés correspondent bien à ce type de maintenance. En bac fermé ils pourront d’ailleurs se reproduire parfois de manière semi-naturelle si vous ne visez pas à avoir un nombre élevé d’alevins.
Les petits poecilidés sont souvent rencontrés dans des espaces confinés de type berge dans la nature. Très adaptables, résistants, faciles à reproduire ils cumulent les qualités.
Plusieurs petits tétras seront également bien adaptés à ce type d’environnement. Privilégiez des espèces qui de prime abord n’auront peut-être pas grand éclat dans les aquariums super éclairés traditionnels mais qui une fois passez en palu sauront donner un jeu d’effets avec les différentes intensités lumineuses.
Les Hymenochyrus sont de petits crapauds primitifs originaires d’Afrique et qui sont entièrement aquatiques. Leur allure est amusante et ils vivent sans problème la compagnie de poissons adéquats.
Le pleurodèle de Walt et le Cynops orientalis sont deux espèces de tritons parmi d’autres qui ont un mode de vie qui s’associe bien aux paludariums. Le premier est originaire du Maghreb et de la péninsule ibérique (il est d’ailleurs le plus grand triton européen ) tandis que le second nous vient plutôt de Chine.Pour anecdote ces deux espèces ont en commun d’avoir toutes deux voyagés dans l’espace afin d’étudier les effets dut à l’absence de gravité.Ils acceptent toute nourriture carnée (vers,larves,artémias,morceaux de poissons,…).
Si l’on arrive à faire varier les températures, leurs reproductions sont assez aisées à obtenir ! Mais il faut isoler les jeunes sans quoi les adultes pratiqueront un cannibalisme opportuniste.
Bombina orientalis est un petit crapaud particulièrement attachant et facile pour qui veut se familiariser avec les amphibiens. On en distingue différentes souches (brunes,vertes,ventre rouge, ventre orange,…). Les Bombina orientalis, lorsqu’ils sont dérangés présentent un comportement défensif : C’est le reflexe d’Unken (du nom de l’herpétologiste allemand qui a décrit ce phénomène pour la première fois). Ils s’arc-boutent sur leur dos et présentent leur face ventrale à leur assaillant. L’agresseur est alors averti, par le rouge du ventre que s’il va plus loin, il risque d’avoir des problèmes. Si l’agression continue : les sonneurs à ventre rouge produisent alors un produit laiteux, toxique, qui a un goût âcre et putride, et qui a pour effet de faire gonfler les muqueuses. En captivité, ce comportement reste exceptionnel.
À éviter :
Certaines espèces auront malheureusement tendance à être prises pour des animaux adéquats des paludariums. Il convient alors de mettre en garde les aspects qui peuvent poser problème.
Axoltl : Les paludariums sont souvent des environnements fort chaud pour ces urodèles… Cela entraîne alors diverses conséquences comme un métabolisme (et une pollution organique) plus élevées. Ils peuvent alors passer de leur stade néoténique à celui d’adulte complet…Bien que ce soit intéressant c’est une démarche brutale pour l’animal qui verra dans tous les cas sa longévité diminuée.
Dendrobates-Ranitomeya-Epidobates etc… Ces petites grenouilles fortement attractives sont plutôt adaptées à des terrariums humides sans quoi le risque de noyade sera conséquent. En effet dans la nature on ne les trouve pas aux abords des plans d’eau. Même en période de reproduction (Elles favorisent en général des réceptacles dans les feuillages des plantes).
Quelques conseils généraux :
- Evitez durant la fabrication de votre décor de créer des zones de cachettes tels que grottes ou anfractuosités qui risqueront de coincer les animaux.
- Dans ce type d’environnement les eaux sont souvent douces et acides… Prévoyez de pouvoir vous mettre en adéquation avec cette donnée et vous optimiserez ainsi l’éclat et la santé de votre environnement.
- Le fait d’avoir une large possibilité au niveau des différentes espèces possible ne doit pas vous inciter à tenter n’importe quelle cohabitation. Comme en aquarium un nombre restreint d’animaux différents garantira plus facilement la paix et le bon développement de chacun. Une bonne démarche de renseignement spécifique aux espèces désirées sera obligatoire pour une réussite à long terme.
- Ne minimisez pas les engrais…Avec une telle densité de plantes il sera difficile de parfaire la croissance des plantes sur le long terme… Vous pouvez utiliser les engrais pour aquariums mais il existe également d’autres ingrédients utiles pour alimenter vos plantes (Chaux d’algues, coquille d’œuf, poudre de basalte,..) Evitez les engrais de type organiques (NPK) qui augmenteront vos nitrates.
- Créer des berges à pentes douces afin d’éviter la noyade de certaines de vos occupants
- Un bon truc pour les amateurs de mousses est de sélectionner le type de mousse qui peut s’adapter. En effet comme les plantes et les animaux, les mousses ont des besoins spécifiques. Pour ce type d’environnement je recommande la mousse de Java, la X-Moss, le moss mix et certaines variétés de Leucobryum (Attention toutefois car nos indigènes ont besoin de cycles hivernaux pour se maintenir).
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